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17 juillet 2010 6 17 /07 /juillet /2010 13:34

Hommage à Altan Gokalp (1942-2010)

Altan s’est tu. Définitivement. Il ne répondra plus aux appels de ceux qui, si nombreux,

savaient, en tout moment et en tout lieu, pouvoir compter sur lui. Son silence est un coup au

coeur de ceux que sa parole tonique et généreuse aidait à vivre. Elle les aidait à vivre parce

que sa conscience aiguë du tragi-comique de la vie humaine – de toute vie humaine – avait

nourri chez lui une intelligence profonde de ce que nous sommes. Au fond, il nous aimait

tous, il nous aimait trop, même ceux qu’il lui arrivait d’accabler de ses emportements

rabelaisiens. La mort l’avait manqué de peu à quarante ans, décuplant son insatiable appétit de

vivre. Il se savait – et nous savait – suspendus dans le vide, tenant à la vie et à la raison par

des fils fragiles qu’il ne se lassait pas de démêler. Instruit comme un vieil érudit, il vivait

comme un enfant turbulent. Son oeuvre écrite n’est pas à la mesure du talent de cet

anthropologue exceptionnellement perspicace, qui ne regardait pas les hommes comme des

insectes, mais vibrait au récit de leurs mythes et de leurs tourments. Plutôt que de les décrire,

il savait les raconter en puisant au plus profond de sa propre sensibilité. C’est pourquoi

l’anthropologue chez lui est indissociable de l’homme de lettres, du traducteur, du déchiffreur

d’épopées, du conteur et du cuisinier hors pair, tenant table ouverte à ses amis, aux amis de

ses amis, aux amis des amis de ses amis… D’une insondable générosité, il ne savait compter

ni son temps, ni son aide, ni son argent et partageait son savoir avec la même prodigalité que

son pain et son vin. Français d’adoption, de religion républicaine, il comprenait ce pays mieux

que les autochtones et ne se résignait pas à le voir trahir le meilleur de sa tradition. Plutôt que

d’entonner le cantique du « dialogue des civilisations », il s’est employé patiemment à les

traduire l’une vers l’autre. Venu des rives du Bosphore, c’est un passeur dans l’âme, un pont

tendu entre l’orient et l’occident qui vient de se briser.

A.S.

 

http://www.iea-nantes.fr/fichier/j_telechargement/22/telechargement_fichier_fr_hommage.d.alain.supiot.a.altan.gokalp.pdf

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